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الأربعاء، 10 ديسمبر 2025

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Un nouvel ordre mondial ou le retour de la loi du plus fort

Un nouvel ordre mondial ou le retour de la loi du plus fort


Ahmed Abdelkrim 


Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025, le fragile édifice multilatéral bâti après 1945 largement porté par l’idée d’un ordre international fondé sur des règles collectives, le droit international, les institutions globales vacille. Beaucoup d’observateurs voient dans les choix de Washington le signal d’un retour à une « realpolitik » dure, où puissance et intérêts prévalent sur le droit, la coopération et le multilatéralisme.

À ses côtés, la Russie de Vladimir Poutine, loin d’être marginalisée, joue un rôle clef dans ce basculement. Faisant de la guerre en Ukraine un instrument pour redessiner l’ordre mondial, Moscou revendique une place de puissance capable de défier l’hégémonie américaine tout en promouvant un « ordre post-occidental »

Ainsi, ce n’est plus tant la légitimité fondée sur des chartes, des résolutions, des normes qui structure les relations internationales, mais bien la capacité à imposer sa volonté, via la force, la dissuasion, l’alliance de circonstance, la diplomatie de coulisses, et le rapport de force. 

Comment les institutions internationales Nations Unies (ONU) en tête se retrouvent marginalisées


Détournement et paralysie de l’ONU

L’essor de la realpolitik ne coïncide pas avec un renforcement de l’ONU : au contraire, plusieurs signaux montrent un désengagement croissant des États puissants, et une instrumentalisation des institutions internationales.

• Sous l’administration Trump, les États-Unis ont « significativement réduit leur implication » dans l’ONU, notamment en se retirant du Conseil des droits de l’homme, en stoppant le financement de l’agence pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), et en rejetant des engagements internationaux — tels que les objectifs de développement durable ou l’adhésion à des traités multilatéraux. De plus, Washington a imposé des sanctions à la Cour pénale internationale (CPI), notamment en interdisant l’entrée aux États-Unis de ses responsables, gelant leurs avoirs, en représailles à des enquêtes visant des crimes de guerre liés à des forces américaines ou à des alliés tels qu’Israël.

• Ces démarches sapent l’idée selon laquelle l’ONU ou la CPI pourrait être un arbitre global impartial et efficace. Le message est clair : quand cela sert les intérêts d’un État puissant, les mécanismes juridiques internationaux peuvent être ignorés, court-circuités, ou sanctionnés.

L’Ukraine comme révélateur : un Conseil de sécurité paralysé

L’invasion russe de l’Ukraine et l’attitude des grandes puissances à l’ONU offre un exemple frappant de cette dynamique. En 2025, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) a adopté la résolution 2774 relative à l’Ukraine, mais seulement après de longs blocages, des manœuvres diplomatiques et des abstentions — la Russie, membre permanent, conservant son droit de veto. Plus grave encore : les États-Unis ont choisi de s’abstenir — voire d’aligner leurs votes sur ceux de la Russie — ce qui a effectivement réduit la capacité de l’ONU à sanctionner l’agresseur.

Résultat : l’organisation paraît incapable — ou peu disposée — à imposer ses propres décisions face aux ambitions des grandes puissances. Ce n’est plus le droit international qui prévaut, mais le rapport de forces, les intérêts stratégiques, les alliances changeantes. 

Les véritables forces qui façonnent l’échiquier mondial

1. Les Grandes puissances États-Unis et Russie (et l’ombre d’un nouveau bloc)

Le tandem Trump–Poutine, ou plutôt la concurrence/complicité structurée entre Washington et Moscou, redessine les lignes stratégiques mondiales. L’accroissement de l’influence russe dans certaines régions — comme le Moyen-Orient, l’Afrique ou l’Europe de l’Est — s’accompagne d’une volonté affichée de Moscou de redéfinir l’ordre mondial selon ses intérêts.

De son côté, les États-Unis reconfigurent leur politique étrangère autour de l’idée d’un territoire d’influence — moins de maintien d’un ordre global, plus de confrontation directe avec ce qu’ils perçoivent comme des rivaux.

2. Les puissances moyennes et émergentes — entre non-alignement et pragmatisme

Un phénomène souvent sous-estimé : à l’affaiblissement de l’hégémonie américaine et aux incertitudes de l’Occident répond un regain d’activisme de puissances moyennes ou émergentes pays du Sud, géants régionaux qui revendiquent autonomie stratégique, multipolarité, et opportunités d’alliance circonstancielles. Ces États, frustrés par des décennies de domination occidentale ou de promesses non tenues, saisissent l’occasion de jouer un rôle plus indépendant — même si cela signifie naviguer entre grandes puissances et zones d’ombre diplomatique.

3. L’érosion des principes : le droit international comme variable d’ajustement

Avec l’ascension de la realpolitik, les principes du droit souveraineté, non-intervention, respect des traités ne sont plus des boussoles absolues, mais des outils modulables selon l’intérêt. L’histoire de 2025 l’a montré : sanctions contre la CPI, retrait de financements, abandon ou instrumentalisation des traités multilatéraux. L’ordre international fondé sur les règles se fissure. À la place s’installe un ordre pragmatique, fondé sur l’intérêt stratégique, la force brute, la capacité à menacer ou à séduire bref : la realpolitik. 

Quelle valeur ajoutée pour le lecteur ? Ce que cela signifie concrètement

• Un monde plus instable : quand l’arbitrage juridique est affaibli, les conflits peuvent s’enliser, les crises s’aggraver. Ce n’est plus l’ONU ou la Cour pénale qui impose le droit, mais la stratégie de puissance.

• Un retour aux logiques impériales et hégémoniques : comme au XIXᵉ siècle, les grandes puissances redessinent des sphères d’influence et peu importe les traités, les principes, les droits.

• Un affaiblissement de la diplomatie multilatérale : les petits États, les pays du Sud, ceux qui misent sur le droit international pour se protéger, sont les premières victimes. Le rapport de force leur est défavorable.

• Une plus grande incertitude pour l’avenir : dans un monde fragmenté, multipolaire, dominé par la logique des rapports de force, la stabilité est fragile, la coopération difficile, les alliances mouvantes ce qui rend les crises plus probables et plus imprévisibles. 

Pourquoi ce basculement ? Une grille d’analyse

• Crise de légitimité des anciennes démocraties : inégalités, populismes, désillusion envers les promesses de la démocratie libérale — ces phénomènes fragilisent le modèle occidental,ouvrant une porte à une redéfinition de la puissance

• Ambitions révisionnistes de la Russie : pour Moscou, la guerre en Ukraine n’est pas un simple conflit régional, mais un affrontement pour rejeter l’ordre occidental et promouvoir un monde post-occidental, multipolaire. Un virage stratégique américain : avec Trump, les États-Unis privilégient les intérêts immédiats, la flexibilité, la domination régionale plutôt que l’investissement dans un ordre global normatif.

• Montée en puissance des pays émergents : des États longtemps marginalisés cherchent désormais à définir eux-mêmes les règles du jeu, en cherchant des alliances pragmatiques ce qui fragilise l’universalité des institutions internationales. 

Un monde sous la loi du plus fort mais pas du tout un monde figé

L’image du « nouveau maître du monde » s’applique mal : aujourd’hui, le monde est trop fragmenté, trop multipolaire pour une hégémonie absolue. Mais ce qui s’impose, c’est l’idée qu’un petit nombre d’acteurs — puissances globales, régionales, États stratégiques peuvent dicter les règles, modifier les traités, réécrire les alliances.

Les institutions internationales ONU, CPI, cadres de coopération multilatérale ne sont plus le centre de gravité. Elles sont aujourd’hui réduites à des instruments, souvent inefficaces ou marginalisés, face à la volonté de puissance.

C’est un retour aux fondamentaux d’un système dans lequel la force, l’intérêt national, la capacité à contraindre l’autre, pèsent plus que les principes — un retour à la realpolitik.

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